Derrière les plans de formation français/mathématiques se dessine un grand danger pour les conseillers pédagogiques et les enseignants. A la suite de la mise en place du plan Villani en mathématiques, cette année, le Ministère prépare l’arrivée du plan français l’année prochaine. Le but est toujours le même, non pas former les enseignants à analyser leurs pratiques ou mener une réflexion sur leur pédagogie mais bien imposer « la bonne méthode recentrée sur les fondamentaux ». Outre le problème du contenu de ces formations imposées, ces plans représentent une dégradation profonde des conditions de travail des conseillers pédagogiques.
Dans la suite des réunions d’informations syndicales de juin 2020, le SNUipp-FSU (avec le Se, FO et le Sgen) a été reçu en audience mercredi 8 juillet 2020 par le Directeur Académique pour défendre les revendications des conseillers pédagogiques. Compte-rendu.
La charge de travail des CPC
Le SNUipp-FSU a rappelé que l’accumulation des tâches et des missions des conseillers pédagogiques du département provoquent une grande souffrance auprès des personnels (les organisations syndicales ont d’ailleurs déposé en ce sens une alerte au CHSCT Départemental le 1er juillet 2020).
Le DASEN reconnaît les difficultés que cette accumulation peut provoquer chez les collègues, mais rappelle, pour seule réponse, la consigne de souplesse qu’il a donnée aux circonscriptions. Le DASEN a notamment déclaré : "Je n’aime pas le terme ’injonction’. Je sais que s’il y a injonction, ça sera inefficace".
L’Administration réfléchit par ailleurs à développer les visioconférences à l’avenir (avec notamment la mise en place d’une salle de visioconférence par bassin), afin, notamment, d’éviter des déplacements. Concernant la hausse de l’instruction à domicile depuis le confinement et la mission d’assistant de prévention dévolue aux CPC, le DASEN n’apporte aucune solution concrète.
Interpellé sur l’usage du matériel personnel (connexion internet, abonnement téléphonique...) pendant le confinement, le DASEN a rappelé qu’il était possible de demander à être remboursé des frais engagés, sur justificatifs.
Formations et constellations
La mise en place des constellations ainsi que les 2S2C et la priorisation donnée au fondamentaux français/maths, créent beaucoup d’inquiétudes chez les collègues. Mais là encore, le DASEN réfute le terme "injonctions" en rappelant qu’à partir de la rentrée, 6 heures d’animations pédagogiques sur les 18 heures annuelles pourront être consacrées à autre chose que français et maths.
Plan Français
Le SNUipp-FSU a également exprimé ses vives inquiétudes sur la mise en place du Plan français à la rentrée prochaine.
Ce plan français a été annoncé comme « une formation fondée sur les échanges entre pairs, sur un accompagnement dans la durée et un renouvellement partagé des gestes professionnels des professeurs et formateurs ». Il transforme effectivement la formation continue. Cette nouvelle démarche de formation intégrant une analyse réflexive accompagnée et installée au plus près des classes et s’adressant à des groupes de 6 à 8 professeur-es appelés constellations pourrait paraitre nouvelle et intéressante. Des séquences réalisées en classe et élaborées puis analysées par le groupe avec l’aide d’un CPC-référent : un modèle de type lesson studies mis en avant par l’OCDE et mis en œuvre au Japon. Cependant la France n’est pas le Japon.
Le SNUipp-FSU a notamment dénoncé 4 points :
- L’accueil en classe pour réaliser les séquences devra concerner 20% des PE et sera imposé. Il y a une dimension intrusive indéniable et un contrôle renforcé des pratiques, sous couvert d’accompagnement et de démarche réflexive.
- Les ressources proposées par les référent-es sont les guides et recommandations…déjà fabriqués par le ministère et son conseil scientifique. Les enseignant-es seront invité-es à les mettre en œuvre, donc à exécuter et non à concevoir.
- Les CPC, déjà malmené-es, dont les tâches ne cessent d’augmenter au détriment du cœur de leur métier, à savoir la pédagogie, s’interrogent sur la charge de travail supplémentaire (105 journées prévues pour le plan soit environ un ½ temps par circonscription).
- Le manque de remplacement dont le ministère fait état lui permet de mettre en œuvre le décret du 6 septembre 2019 rendant obligatoire la formation des enseignant-es durant leurs congés. C’est ce qu’a rappelé la DGESCO dans un courrier adressé aux recteurs, rectrices et IA-DASEN : les 5 journées en français ou en mathématiques pourraient donc avoir lieu pendant les vacances scolaires.
Revendications
Pour le SNUipp-FSU, "formation" ne rime pas avec "formatage". Pour notre syndicat :
- la formation doit être riche et pluridisciplinaire : une école émancipatrice ne peut être résumée à de l’apprentissage des "fondamentaux". Les élèves, futurs citoyens, ont besoin de culture, d’histoire, de s’ouvrir à l’altérité, de développer leurs aptitudes physiques et leurs "compétences transversales".
- La formation doit répondre aux demandes des enseignant-es, seul-es à mêmes de savoir ce qui est utile dans leur pratique, pour eux·elles et leurs élèves.
- La formation ne doit pas être la courroie de transmission des injonctions pédagogiques et "bonnes pratiques" ministérielles.
- Enfin, la formation doit avoir lieu sur le temps de classe, avec remplacement, sur de longues périodes permettant de vrais temps d’analyse et de réflexion, ainsi que des allers-retours pour expérimenter et ajuster.
Pour le SNUipp FSU, le plan Villani est clairement annonciateur de la suite. Dans tous les domaines, le Ministre a montré depuis le début sa volonté de ne pas débattre mais d’imposer sa méthode et sa vision de l’Ecole. Après les maths, vient donc le français. Pour les conseillers pédagogiques, il s’agit clairement de cadenasser leurs missions et d’uniformiser leurs actions sur le territoire autour de ces formations nationales. Plus de travail de circonscription, plus d’aides, de projets locaux...
Encore une fois, le Ministre et le gouvernement avancent sur des sujets très dangereux pour notre métier et l’Ecole. Nous allons devoir nous défendre ensemble, comme pour nos retraites, pour éviter que nos conditions de travail soient durablement dégradées. NE laissons pas faire !