Nous vous proposons ci-dessous le contenu d’une lettre d’info "spécial Coronavirus" envoyée par le SNUipp-FSU de l’Oise. Cette expérience peut nous être utile dans un avenir proche, selon l’évolution de la situation locale et nationale. Collègues, Directrices et Directeurs, cela peut être très précieux, notamment en ce qui concerne les demandes de l’administration, nos droits, les obligations prétendues, etc.
On suit l’affaire...
FERMETURE DES ÉCOLES DE L’OISE JUSQU’AU 15 MARS 2020
Compte-rendu de la réunion avec la Rectrice du jeudi 05/03
Compte-rendu de la réunion de CHSCT du mercredi 04/03
Compte-rendu de la réunion au ministère du jeudi 05/03
ENSEIGNEMENT À DISTANCE, TRAVAIL HORS LA CLASSE & CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE
Enseignement à distance, Blogs & ENT, mails & contacts aux familles, données personnelles…
Le point sur les obligations de service des personnels au regard de certaines demandes de l’administration départementale bien souvent les demandes des IEN ne sont pas règlementaires et ne peuvent être initiées que sur la base du volontariat.
Le SNUipp-FSU de l’Oise vous propose un premier article sur la situation avant de produire une analyse pédagogique, professionnelle & règlementaire plus fine des implications pour notre métier de ce « travail à distance ».
Les écoles et établissements de l’Oise fermés pour 2 semaines
Depuis vendredi et suite à l’annonce du 1er ministre de la fermeture de toutes les écoles et établissements scolaire de l’Oise et du Bas Rhin, aucune information officielle ou départementale n’est parvenue aux personnels.
Cette demande a été exprimée fortement par la FSU depuis une semaine : comment continuer d’interdire les rassemblements collectifs dans notre département et laisser les écoles et établissements ouverts ? C’était incompréhensible.
Néanmoins, il aurait été beaucoup plus « pratique » pour les personnels d’apprendre cette annonce, vendredi avant 16h30 pour prévenir directement les familles. Ce n’est donc pas ce qui a été fait et certains IEN se sont autorisés à prendre contact avec les directeurs-trices sur leur téléphone portable le soir jusque très tard.
Les demandes de l’administration et des IEN de l’Oise
Les demandes exprimées par l’administration départementale en matière de ce que le ministre considère comme de la « continuité pédagogique » sont, dans la très grande majorité non règlementaires et donc soumises à l’accord de la directrice ou du directeur ainsi que des adjoint-es de l’école.
- Suis-je obligé-e d’appeler les parents ? Non
- Suis-je obligé-e d’ouvrir un espace « ma classe virtuelle » sur le site du CNED ? Non
- Suis-je obligé-e de me déplacer sur mon école pour y apposer une affiche avant lundi matin ? Non
- Suis-je obligé-e de constituer des listes (mails, téléphones de parents…) en dehors de tout cadre réglementaire et de la réglementation en vigueur en matière de respect des données à caractère personnel (RGPD,…) ? Non
- Suis-obligé-e de communiquer aux familles des fichiers ou d’autre matériel de la classe ? Non
- Suis-je obligé-e d’assurer une forme de continuité pédagogique ? Non
- Suis-je obligé-e de répondre à toute heure du jour et de la nuit à mon IEN ? Non
Notre travail est, depuis des années, dégradé, rappelons-nous le suicide de notre collègue Christine Renon. Il n’est plus possible de compter uniquement sur la « conscience professionnelle » de directrices-directeurs et adjoint-es très largement investi-es pour pallier les manques de l’administration :
- Où est la continuité pédagogique rabâchée par le ministre depuis une semaine quand un-e enseignant-e est absent-e une semaine sans être remplacé-e ? Ou quand les Brigades ont vu leur remplacement arrêtés pour être envoyés en catastrophe sur une autre école ?
- Où est l’administration quand des conflits avec des parents ou élu-es atteignent leur paroxysme sans répondre ? Les collègues aimeraient bien recevoir des SMS ou être appelé-es…
- Où est l’administration quand toutes les écoles ne sont pas encore dotées de savon et de solutions hydroalcooliques même ce vendredi en pleine épidémie ?
- Où est l’administration quand, dans certaines écoles, il n’y a qu’un ordinateur (vétuste) pour plus d’une dizaine de collègues ?
- Où est l’administration quand les collègues souhaitent une vraie formation ?
- Où est l’administration quand les délégué-es des personnels réclament depuis plusieurs années une médecine du travail ?
- Où est l’administration quand les délégué-es du personnel ne cessent de remonter les doléances des collègues qui sont souvent les mêmes (injonctions, manque de reconnaissance, …) ?
Les personnels de l’éducation nationale, et particulièrement du premier degré, n’ont reçu aucune formation généralisée sur la mise en place d’ENT ou de blogs de classe. Lorsque ces derniers sont déjà mis en place ils le sont très généralement dans le cadre d’un projet de classe ou d’école afin d’y associer les familles et limiter la fracture numérique. Mais il n’y a pas d’obligation à mettre en place ces outils « en catastrophe » et « en se débrouillant tout seul ».
Les personnels de l’éducation nationale n’ont jamais reçu de dotation financière ou de matériel afin de s’équiper en informatique et en connexion internet. Il ne peut donc rien être imposé à distance aux personnels sur ces aspects.
Les personnels de l’éducation nationale ont eux aussi des enfants qui n’iront pas à l’école pendant 15 jours et donc doivent aussi s’en occuper et seront donc très occupés chez eux aussi.
Plus généralement, nous invitons les personnels à la prudence et à ne pas mettre le doigt dans l’engrenage. Les inégalités sociales qui traversent l’école et notre pays sont importantes et n’excluent absolument pas l’usage du numérique :
Car du côté des élèves et de nos familles nous savons que l’accès au numérique n’est pas égal, loin de là. Vous le savez, toutes les familles de votre école ou de votre classe sont différentes du point du vu de leur origine social et donc de leur capital culturel. La réussite scolaire n’échappe pas à la règle tout comme l’accès au numérique…
Des inégalités sociales renforcées
Comme tout travail scolaire réalisé à la maison, le dispositif en ligne « Ma classe à la maison » renforce les inégalités scolaires fondées sur les inégalités de ressources économiques, éducatives et culturelles des familles.
Le dispositif se confronte à la problématique générale de la « fracture numérique » : le dispositif suppose un équipement informatique complet (PC + imprimante), une connexion haut débit pour les activités interactives et un espace de travail propice à la concentration de l’enfant, plusieurs heures dans la journée, ce qui n’est pas possible dans les logements les plus modestes.
Avez-vous-compté le nombre de familles de votre classe ou école qui disposent d’une adresse mail valide ? Et la consultent régulièrement ? Des collègues l’ont fait et dans certaines des écoles de l’Oise, moins de 10% des familles renseignent leur adresse mail sur la fiche de renseignement annuelle.
Les procédures d’accès à la plateforme et d’utilisation des modules supposent une bonne maîtrise du français écrit et de ressources avec lesquelles seules les classes moyennes et supérieures sont conniventes. Aucune consigne n’est disponible sous forme orale ou dans d’autres langues pour les parents non francophones.
Les impressions sont très importantes (environ deux cents pages et plus au cycle 3). Les livrets devraient être imprimés par l’institution pour être mis à disposition des familles.
D’autres questions se posent :
- Comment les familles qui ont plusieurs enfants scolarisés peuvent s’organiser ?
- Comment faire quand l’ordinateur n’est pas dans une pièce isolée du son permettant la concentration ?
- Pensons sérieusement qu’il est possible d’apprendre, dès la maternelle, à distance et derrière un ordinateur ?
La réponse de notre administration est cinglante : nous connaissons ces problématiques et nous envisageons une correspondance papier ! (Qui va payer ?)
L’ensemble des ressources proposées est particulièrement fourni et peut décourager la lecture des parents qui maîtrisent le moins la langue écrite. Aucune aide méthodologique n’est proposée pour l’articulation des différents supports (cahiers, activités interactives, livres numériques), ce qui suppose également un usage expert, réservé aux familles qui maîtrisent les codes de l’école.
Un accompagnement pédagogique qui ne va pas de soi
Le déroulé des activités suppose la présence d’un tuteur, idéalement adulte auprès de l’élève qui réalise les activités. Cela pose la question de la disponibilité de l’adulte et de la mise en œuvre des dispositifs de compensation financière des jours consacrés à la garde des enfants.
Si l’indemnisation est garantie pour les salarié-es, qu’en est-il pour les travailleurs et travailleuses précaires, intérimaires, rémunéré-es à la tâche, etc ?
Les consignes données aux tuteur-tutrice font référence à un registre pédagogique, là encore fortement discriminant sur le plan du capital culturel (« faire émerger les souvenirs de l’activité », « prolongements », etc.).
De manière générale, la substitution du parent profane à l’expert pédagogique qu’est l’enseignant-e pose problème, en termes de reconnaissance de la professionnalité enseignante et de banalisation de l’idée selon laquelle n’importe qui pourrait enseigner. C’est évidemment un leurre car le repérage de ce qui fait obstacle aux apprentissages, des erreurs types impliquant telle ou telle remédiation (notionnelle ou méthodologique), de l’équilibre entre étayage et dés-étayage relèvent bien de l’expertise pédagogique de l’enseignant-e.
Les interactions entre des élèves qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages et des parents démunis du point de vue de l’intervention pédagogique ont toutes les chances d’occasionner malentendus, tensions et in fine dévalorisations de l’image de soi des enfants (en « échec ») et des adultes (incapables de proposer une aide).
Certains parents des zones du « cluster » de l’Oise se sont confiés aux enseignant-es : « j’ai essayé de faire la classe à la maison, mais je n’y arrive pas, il-elle ne m’écoute pas ». Comme le disait la rectrice en réunion jeudi : personne ne pourra remplacer le professeur ! Nous demandons au ministère d’arrêter de faire penser le contraire à une opinion publique et médiatique éloignée de notre réalité.
Aucune adaptation
Outils et progressions sont proposés sous une forme unique, sans différenciation envisagée, ni adaptation aux élèves à besoins éducatifs particuliers, par exemple les élèves dyspraxiques ne bénéficient pas d’un carnet de bord spécifique (celui-ci étant particulièrement chargé visuellement).
La progression est évidemment « théorique » et ne s’inscrit pas dans la progression et les projets en cours dans la classe.
Des activités d’entraînement peuvent confronter l’élève à des notions qui n’ont pas été découvertes en classe ou insuffisamment maîtrisées.
La maternelle oubliée
A l’heure de l’instruction obligatoire à 3 ans, aucun module n’est proposé pour les PS et MS.
Des suggestions de jeux, d’activités motrices, artistiques, langagières, des histoires à écouter, etc. auraient cependant pu être proposées, même sans être consignées dans un cahier de bord aussi codifié que pour les autres niveaux d’enseignement.
Tout en restant équilibré du point de vue des cinq domaines du cycle 1, le module de GS propose de nombreuses activités qui visent des acquisitions expertes (copie en cursive, dénombrement à 10 et au-delà, discrimination auditive de syllabes en début, milieu ou fin de mot, identifications des faces et arrêtes des solides, etc.). En milieu d’année de GS, l’inadaptation du protocole aux différences de rythmes de développement des jeunes enfants risquent de provoquer des situations de mise en échec artificiel.
Pour conclure
Où est la réflexion sur les rapports à l’écran et particulièrement des jeunes enfants quand les autorités sanitaires invitent les familles à la prudence sur l’utilisation du numérique pour les plus jeunes ?
De manière générale, la continuité pédagogique peut-elle être assurée hors la classe ? Rien n’est moins sûr, tant elle est dépendante des grandes disparités des réalités sociales et culturelles des familles et de leur rapport à la culture scolaire (suivant que les enfants ont, pour reprendre les concepts de Lahire, des « vies augmentées » ou « diminuées ») et privée de l’expertise professionnelle enseignante. Plutôt que de faire la classe à la maison, ne serait-il pas plus profitable pour les enfants et leurs familles, dans un contexte sanitaire qui peut être anxiogène, de mettre entre parenthèses le temps de l’école et privilégier les activités éducatives (se promener, jouer, bricoler, cuisiner, etc).
Face à une situation exceptionnelle qui nécessiterait l’utilisation à grande échelle de l’enseignement à distance, Jean Michel Blanquer sur ce sujet comme sur d’autres devrait faire preuve de plus de mesure. Si l’on peut parler de "continuité scolaire" il est abusif de parler de "continuité pédagogique". C’est un peu comme si on expliquait que des cahiers de vacances peuvent remplacer des enseignant-es.
Notre Ministre voudrait faire croire à l’opinion publique que dès lundi matin l’enseignement à distance sera enclenché. C’est un leurre pour masquer le manque d’anticipation.
Cher-es collègues, soyons prudent-es. Refusons les abus. Dans chaque équipe, concertons-nous avant de prendre des décisions ! Saisissez le SNUipp-FSU en cas de problème !
ET POUR LES AGENTS TERRITORIAUX ?
Vous trouverez en pièce jointe la note de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique .
Les ATSEM ne doivent pas hésiter à l’imprimer et à la montrer à leur employeur.
Plusieurs solutions :
- L’agent est porteur du Coronavirus : face à la menace sanitaire que représente l’épidémie actuelle de coronavirus, une note de la DGAFP du 27 février 2020 édicte les mesures à adopter par les employeurs publics pour les agents publics concernés par une mesure d’isolement, d’éviction et de maintien à domicile ;
- Faciliter la mise en œuvre du télétravail,
- Si le télétravail n’est pas possible :
- accorder une autorisation spéciale d’absence avec maintien de la rémunération, des droits à avancement et à pension (mesure recommandée par le ministre chargé de la santé),
- si l’agent relève du régime général : le placer en congé de maladie sur la base d’un arrêt de travail délivré par le médecin assurant le contrôle médical de la mesure d’isolement, d’éviction et de maintien à domicile ; il convient dans ce cas d’appliquer les dispositions du décret n°2020-37 du 31 janvier 2020. Ce décret n’est pas applicable aux fonctionnaires : en conséquence, pour ces derniers, la mise en place d’une autorisation spéciale d’absence est recommandée. - soit votre école est fermée et l’employeur décide de vous affecter à d’autres tâches
- soit votre école est fermée et l’employeur vous place en autorisation spéciale d’absence (circulaire DGAFP jointe).
- soit votre enfant est scolarisé et l’école est fermée :
Le parent concerné contacte son employeur et envisage avec lui les modalités de télétravail qui pourraient être mises en place. Si aucun aménagement de ses conditions de travail ne peut lui permettre de rester chez lui pour garder son enfant, c’est l’employeur qui doit via la page employeur du site ameli.fr déclarer l’arrêt de travail de son salarié.
Cet arrêt sera accordé pour une durée de 14 jours calendaires à compter de la date de début de l’arrêt déclaré. Pour en bénéficier, l’employé doit remplir certaines conditions :
Les enfants doivent avoir moins de 16 ans le jour du début de l’arrêt ; Les enfants doivent être scolarisés dans un établissement fermé ou être domiciliés dans une des communes concernées (les listes des communes sont régulièrement mises à jour sur les sites internet des rectorats) ; Un seul parent (ou détenteur de l’autorité parentale) peut se voir délivrer un arrêt de travail (le salarié doit fournir à son employeur une attestation sur l’honneur certifiant qu’il est le seul à le demander à cette occasion) ;
L’entreprise ne doit pas pouvoir mettre l’employé en télétravail (l’arrêt de travail doit être la seule solution possible sur cette période).
L’indemnisation est enclenchée à partir de cette déclaration. Le salarié percevra les indemnités journalières et, le cas échéant, le complément de salaire de son employeur dès le 1er jour d’arrêt (sans délai de carence).