Chantier éducation prioritaire – réunion n° 3 - 16 mai 2013
« Les pratiques pédagogiques »
Politique jugée « opératoire » en 2003 par la DGESCO (1), parce qu’elle avait permis de maintenir jusque-là les écarts de réussite malgré une dégradation sociale et économique dans les quartiers défavorisés, l’éducation prioritaire apparaît depuis incapable d’assurer la réussite du plus grand nombre. Les études tant nationales qu’internationales mettent en lumière une aggravation des écarts de réussite et un accroissement des inégalités scolaires liées à l’origine sociale des élèves. Or, depuis 2006, la conception de l’éducation prioritaire a visé, notamment par des attaques contre la mixité sociale à travers l’assouplissement de la carte scolaire, à constituer dans les quartiers populaires une école à part où les exigences ne seraient pas les mêmes qu’ailleurs et où tend à s’imposer dans le second degré le règne de la dérogation aux règles communes.
Pour la FSU, il est important de rompre avec cette conception et de revenir à une réflexion sur des pratiques pédagogiques ayant pour but d’arriver à la réussite de tous et à l’acquisition de contenus d’enseignement ambitieux par tous les élèves. Cette réflexion devra s’accompagner des moyens suffisants pour que ces pratiques pédagogiques puissent exister partout où c’est nécessaire et ne soient pas concentrées par principe sur un nombre réduit prédéterminé de zones, d’établissements ou d’écoles.
Pour reconstruire une politique d’éducation prioritaire efficace qui permette de réduire sensiblement les écarts de réussite, il est impératif de redonner confiance aux personnels qui ont été parfois désorientés par des injonctions inadaptées et parfois contradictoires, en leur assurant les moyens permettant de faire réussir leurs élèves. De ce point de vue, la suppression des Assistants Pédagogiques dont il est question dans l’académie d’Amiens notamment, mais dans d’autres aussi, semble-t-il, ne va pas dans le bons sens. Nous demandons que le ministère intervienne auprès du rectorat pour que les personnels soient maintenus sur ces postes et qu’il affirme une position nationale claire sur le maintien des AP.
Les études menées dans les années 90 ont mis en relief que les écoles et établissements qui parviennent le mieux à réduire les écarts de réussite sont ceux qui se concentrent sur les apprentissages dans la classe en maintenant un haut niveau d’exigence (Moisan-Simon, Rochex, Chauveau, etc.) plutôt que de développer les activités à la périphérie de la classe, sans lien avec le travail en classe et en en rabattant sur les exigences comme cela a pu se faire dans certains établissements du second degré.
La FSU rappelle que les difficultés rencontrées dans l’éducation prioritaire ne sont pas spécifiques à ces zones ou à ces élèves, mais y sont exacerbées : c’est le fameux « effet-loupe » souvent évoqué. La question des pratiques pédagogiques qui doit être envisagée en lien avec les contenus enseignés, est à coup sûr centrale. Cela demande d’abord que l’on fasse confiance aux personnels enseignants et d’éducation pour inventer et mettre en œuvre les pratiques les plus à même de faire entrer tous les élèves dans les apprentissages, plutôt que de chercher à leur imposer telle ou telle « bonne pratique » repérée ici ou là, et pas forcément généralisable. Cela doit s’accompagner d’une formation pédagogique et didactique de haut niveau pour tous les personnels, permettant adaptation et diversification en fonction des particularités repérées. Les formes de l’évaluation doivent être questionnées, et une évaluation formative privilégiée au quotidien, avec à certaines étapes des évaluations sommatives qui ne doivent pas constituer des couperets.
Mettre en œuvre ces pratiques pédagogiques diversifiées tout en conservant une centration sur les apprentissages dans le cadre des programmes nationaux, suppose également de réduire les effectifs par classe, de développer le travail en groupes allégés et de renforcer les dispositifs de soutien et d’accompagnement en lien avec le travail dans la classe.
L’externalisation de la prise en charge de la difficulté scolaire a montré son inefficacité voire ses effets contreproductifs. Les RASED doivent retrouver leur moyen d’agir. De plus, la mise en place des dispositifs « plus de maîtres que de classes » ou encore la création de postes spécifiques pour la scolarisation des moins de trois ans doivent être développées dans toutes les écoles en éducation prioritaire.
Cela viendra renforcer une politique d’éducation prioritaire qui doit s’appuyer sur le développement du travail en équipe, disciplinaire, interdisciplinaire, inter degrés, piloté collectivement, avec un temps reconnu dans le service, et la coordination des projets de réseau. Le lien avec la recherche constitue un apport important qu’il convient de favoriser.
La réflexion doit aussi, sans doute plus qu’ailleurs, porter sur les relations avec les familles. Il est fondamental que l’école explicite ses attentes, ses pratiques, ses objectifs, qu’elle donne confiance dans l’institution scolaire.
La FSU tient à rappeler, pour conclure sur la question des pratiques pédagogiques, combien la formation des personnels, initiale et continue, est capitale. Elle doit leur permettre d’identifier tout ce qui peut faire obstacle aux apprentissages, notamment les implicites scolaires, et de mettre en œuvre des pratiques et des modes d’évaluation qui y répondent. Des formations communes peuvent être envisagées, à l’initiative des équipes, pour répondre à des besoins clairement identifiés.
Pour conclure de façon plus générale à l’occasion de cette troisième réunion, la FSU continue de s’interroger sur le calendrier à moyen terme de la réflexion « diversifiée » sur l’éducation prioritaire. Nous sommes bien sûr satisfaits d’être réunis et écoutés. Pour autant, que vont devenir nos propositions ? Après le 2 juillet et la 5e réunion, quelle synthèse sera faite ? Qui la fera et quand ? Y aura-t-il – le 2 juillet ou plus tard – une synthèse ministérielle de nos travaux, présentant les choix et les pistes envisagés ? Aurons-nous une information sur les travaux parallèles de la DGESCO sur ce sujet ? Il est indispensable qu’à la fin de cette première série de réunions, la concertation se poursuive sur les choix et les pistes envisagées avant les Assises de l’automne. La FSU attend donc des éclaircissements sur la méthode et le calendrier.
(1) « Synthèse de bilans de contrats de réussite », DGESCO, 2003