En 2021, ce serait deux tiers de l’Éducation prioritaire qui perdrait la labellisation. Explications
Un terrain bien préparé
En 2015, le CNESCO a « accusé » le label « éducation prioritaire » d’être stigmatisant et d’être un facteur de réduction de mixité sociale au sein de ses établissements. Se sont ensuite succédés une note de France Stratégie en 2017, un rapport de la Cour des Comptes en 2018, un rapport du Sénat en 2019 qui convergent pour dire que l’Éducation prioritaire est coûteuse mais qu’elle ne réussit pas à réduire les inégalités. Seule la Cour des Comptes reconnait que la politique d’éducation prioritaire a permis de contenir les écarts aux vues des difficultés économiques et sociales croissantes. Ces rapports pointent également l’effet de seuil qui exclut certains établissements (écoles orphelines) et prônent une allocation progressive des moyens pour prendre en compte les besoins des établissements ruraux.
« Territoires et réussite », le rapport Azéma-Mathiot
Le rapport préconise la délabellisation des REP. Mais en parallèle, le gouvernement n’a pas de véritable politique éducative pour réduire les inégalités, il réduit les moyens, les prescriptions et injonctions descendantes foisonnent et la professionnalité des personnels est malmenée. Si la carte de l’éducation prioritaire restera inchangée à la rentrée 2021, une expérimentation sur l’évolution des REP dans 3 académies sera mise en place : Aix-Marseille, Nantes et la nôtre, Lille, pour être généralisée à la rentrée 2022.
En quoi consistera cette expérimentation ?
L’objet de l’expérimentation sera de remplacer la carte des REP par des « contrats locaux d’accompagnement », d’une durée limitée de 3 ans, conclus au niveau de chaque « unité éducative » (école, collège…) en intégrant des établissements de l’enseignement professionnel et certains lycées généraux et technologiques. A moyens constants, ce sera un grand nombre d’établissements, mis en concurrence les uns avec les autres en grande partie à partir de la remontée d’un projet réfléchi et contractualisé sur le papier, qui seront exclus de ce nouveau « dispositif », non plus géré nationalement par le ministère, mais localement par les recteurs.
Il y aurait ainsi, pour chaque école , collège, lycée professionnel ou général et technologique retenus, une « allocation progressive des moyens » en fonction d’indicateurs encore très flous, dont des « critères de caractéristiques RH »… Mais ont également été évoqués des critères locaux : Ils seraient élaborés au niveau des recteurs, « au plus près des territoires » cela marquera bien du caractère national de l’Education…
Les préconisations du rapport Azéma-Mathiot ne se limitent pas à la carte de l’Education prioritaire, mais concernent l’ensemble du territoire avec notamment la prise en compte du rural. S’y trouvent également des propositions pour le fonctionnement des établissements et les carrières des personnels. Ce rapport s’inscrit dans la prolongation de la loi « Pour une école de la confiance » et de la loi Fonction publique qui vise notamment à atteindre 40% de contractuels.
L’avis de la FSU
Ces préconisations montrent une volonté de mettre fin à une éducation prioritaire gérée nationalement, pour la remplacer par une éducation prioritaire à deux vitesses : les REP+ sanctuarisés et les REP qui seraient intégrés à la même enveloppe que le rural, engendrant une mise en concurrence inacceptable et renforçant la territorialisation de l’Education Nationale. On sait que les moyens ne seront pas augmentés, donc ceux dédiés aux réseaux actuels d’Education prioritaires seront amoindris car répartis sur un nombre augmenté d’établissements et d’écoles. D’autant plus que les établissements privés pourront être concernés. C’est bien un choix politique qui remet en cause le principe même de l’Education prioritaire : donner plus à ceux qui ont moins.
En 2021, ce serait deux tiers de l’Éducation prioritaire qui perdrait la labellisation tandis que les établissements des REP+ et les cités éducatives seraient utilisés comme vitrine et support d’outils de communication ministérielle. Ils pourraient devenir le lieu d’expérimentations porteuses de toutes les dérégulations.