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Par : SNU62
Publié : 11 octobre 2011

Direction d’école. Entre le statut et le statu quo, il y a tout à inventer…

Entre propositions démagogiques, tentations corporatistes et désinformations, le SNUipp privilégie la réflexion et le débat, quelques pistes...

  La question d’un statut pour les directeurs d’école est souvent évoquée.

L’enquête réalisée par le SNUipp fait apparaître que cette préoccupation est d’autant plus forte que la taille de l’école est importante. Ce qui n’est sans doute pas un hasard. Derrière cette question, il y a un légitime besoin de reconnaissance de la fonction et également l’exigence de clarifier les responsabilités juridiques et administratives de celles et ceux qui exercent les fonctions de directeur d’école. Le SNUipp a toujours travaillé à faire avancer les revendications des directrices et directeurs d’école. Non sans quelques résultats d’ailleurs. La grève administrative des directeurs d’école, conduite dans un cadre unitaire, a permis, entre autre, la généralisation d’une journée de décharge aux écoles de 5 classes, puis son extension aux écoles de 4 classes. Ce qui représente près de 13 000 écoles (26 % des écoles) et plus de 3000 emplois en ETPT. Dans un contexte où on supprime massivement des emplois à l’éducation nationale, cela mérite d’être rappelé. Ceci dit, tout n’est pas réglé.

 L’obscure clarté du statut

Trois séries de questions méritent d’être posées lorsqu’on évoque la création d’un statut spécifique. On ne peut que regretter qu’elles ne soient pas assez souvent explicitement posées.

  • Peut-on évoquer un statut du « directeur d’école » sans réfléchir en parallèle au statut juridique de l’école ? Peut-on parler de direction d’école sans renvoyer au fonctionnement même de l’école ? Pour le SNUipp ce lien est fondamental. Du côté de l’institution, il n’échappera à personne que ceux qui avancent l’idée d’un statut pour la direction sont ceux-là même qui proposent la création d’établissement public du premier degré. L’important ici n’est pas de savoir si c’est bien ou si c’est pas mal mais de mieux cerner les enjeux de cette question. Avant de répondre à la question du statut, il vaut mieux se demander d’abord de quelle école avons-nous besoin ? Cela évitera bien des désagréments par la suite.

 Le directeur d’école doit-il rester ou non un enseignant ?

Si le fait de devenir directrice ou directeur d’école confère des responsabilités nouvelles, est-on en droit de parler d’un métier différent ? La question mériterait au moins d’être posée car tout ce qui peut être envisagé en matière d’évolution statutaire dépend plus ou moins directement de cette question.

  • Enfin, de quel statut parle-t-on ? Le problème du mot statut est qu’il est lui-même très ambigu. Il n’est pas tout à fait juste de laisser entendre, par exemple, que les directeurs d’école « n’ont pas de statut ». Primo, ils sont fonctionnaires de l’Etat et sont donc régis par les statuts généraux de la fonction publique1 ; deuxio, ils sont, pour ce qui concerne la gestion de leur carrière, assujettis au statut particulier du corps auquel ils appartiennent2 ; tertio, le décret n°89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d’école définit le cadre statutaire des fonctions qu’ils exercent (définition des fonctions, conditions de nomination et d’avancement). Dans la situation actuelle et juridiquement, les directrices et directeurs d’école sont donc plutôt régis par un statut d’emploi. Ces emplois sont accessibles dès lors qu’ils ont été inscrits sur la liste d’aptitude et le fait d’être nommé dans un de ces emplois entraîne un repositionnement sur la grille indiciaire3. Cette situation peut-être jugée très insuffisante, notamment au regard des avantages matériels que procure la fonction, mais pas seulement. Vers un nouveau statut des directeurs d’école ? Selon quel scénario ? Etre pour ou contre un nouveau statut n’a de sens que si on est capable de dire ce que l’on met précisément derrière. Le problème, c’est qu’en restant dans le vague, on permet à ceux qui s’en font une idée bien plus précise d’avancer à couvert. On peut lire, dans le rapport Reiss, que « le statut juridique des directeur d’école pourrait être celui d’un 1 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’Etat. 2 Pour les professeurs des écoles, décret n° 90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles. 3 Les directeurs d’école perçoivent une bonification indiciaire qui dépend du groupe d’école auquel se rattache la direction : + 16 points de bonification indiciaire pour les écoles de 2 à 4 classes, + 30 points pour les écoles de 5 à 9 classes, + 40 points au-delà de 10 classes. A cette majoration indiciaire s’ajoute une NBI (nouvelle bonification indiciaire) de 8 points liée à l’exercice de la fonction. Enfin, les directeurs d’école perçoivent une indemnité de sujétion spéciale comprenant une part fixe et une part variable. Un directeur d’école de 10 classes, exerçant hors ZEP, perçoit un supplément de traitement d’environ 343 € net. détachement dans le corps des personnels de direction ou dans un emploi fonctionnel »4. Il y a en effet plusieurs façons d’envisager les évolutions statutaires liées à la direction d’école. Il est important d’examiner les principales hypothèses avant de pouvoir apporter une réponse.

  1° Première hypothèse : la création d’un corps spécifique des directeurs d’école ?

La création d’un corps entraîne ipso facto la création d’un statut particulier pour ce nouveau corps : recrutement, nomination, avancement, etc. Cette hypothèse n’a jamais été évoquée par le ministère car dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la tendance dans la fonction publique est à la fusion de corps et à l’extinction de certains corps, plutôt qu’à la création de nouveaux. Mais la question qui serait immédiatement posée est la suivante : qui accède à ce nouveau corps, compte tenu du fait que, dans une fonction publique de carrière, le mode de recrutement normal dans un corps se fait par le biais d’un concours ?

 2° Deuxième hypothèse : le détachement dans le corps des « personnels de direction » ?

Cette hypothèse tient compte du fait qu’il existe déjà un corps des chefs d’établissement au sein de l’éducation nationale, spécialement crée en 2001. Si certaines écoles devenaient des établissements publics, cette hypothèse prendrait une acuité nouvelle. Le statut de chef d’établissement a été obtenu en contrepartie d’une clause de mobilité (la mutation n’est plus un droit mais une obligation) et de conditions particulières 4 Rapport à monsieur le premier ministre, « Quelle direction pour l’école du XXIe siècle ? », Synthèse des recommandations, septembre 2010. 5 Décret n°2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale. Les personnels de direction sont recrutés dans le grade de personnel de direction de 2e classe, soit par la voie d’un concours ouvert aux candidats justifiant de cinq années de services effectifs appartenant à un corps de personnels enseignants de l’enseignement du premier ou du second degré, à un corps de personnels d’éducation ou à un corps de personnels d’orientation, soit par la voie d’une liste d’aptitude. d’évaluation6. Il n’est pas sûr que les contreparties imposées satisfassent beaucoup de collègues actuellement directeurs/trices.

 3° Troisième hypothèse : les emplois fonctionnels ?

Les emplois fonctionnels sont des postes de responsabilité dans lesquels les personnels sont nommés pour une durée déterminée, éventuellement renouvelable. Au terme du renouvellement, l’agent est soumis à une obligation de mobilité. La nomination dans un emploi fonctionnel induit un détachement du corps d’origine vers l’emploi et un reclassement à partir de la grille indiciaire spécifique à l’emploi. Un statut d’emploi décrit les missions, les conditions d’accès et de rémunération propres à chaque catégorie d’emploi. Contrairement aux deux premières hypothèses, on est complètement dans le poste à profil. La création des emplois fonctionnels et leur multiplication au sein de la fonction publique déroge au principe selon lequel le grade est distinct de l’emploi, en ce sens que le grade est précisément le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper les emplois qui lui correspondent8. Actuellement un professeur des écoles peut devenir directeur d’école en vertu de son grade, parce que les emplois de directeurs d’école peuvent être pourvus par des professeurs des écoles. Le glissement vers les emplois fonctionnels s’éloigne des principes d’une fonction publique statutaire, à laquelle une immense majorité de fonctionnaires et d’enseignants restent attachés parce qu’elle offre, sous contrôle des commissions administrative paritaire, des perspectives de carrière identiques pour tous. 6 Les chefs d’établissement ne sont pas notés mais font l’objet d’une évaluation périodique de leur travail et de leurs résultats, prenant en compte, notamment, la réalisation des objectifs fixés par une lettre de mission établie par le recteur. Ces résultats interviennent dans les procédures d’avancement et de mutation. 7 Il en existe plusieurs à l’éducation nationale : IA-DSDEN, secrétaire général d’académie sont des exemples d’emplois fonctionnels. 8 art. 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

 4° Quatrième hypothèse : la création d’un grade à accès fonctionnel (GRAF) ?

C’est un peu le nouvel OVNI de la fonction publique. Luc Chatel y a fait vaguement allusion lorsqu’il avait présenté pour la première fois son « pacte de carrière » pour les enseignants. L’idée du GRAF est assez simple : sont éligibles au GRAF les agents de catégorie A ayant effectué au moins 8 ans de détachement sur statut d’emploi durant les dix dernières années, ou, dans leur corps d’origine, 10 ans d’exercice de fonctions « correspondant à un niveau de responsabilité élevé » durant les 12 dernières années. Sur cette base, il appartenait à chaque ministère d’identifier précisément les emplois permettant de prétendre au GRAF. L’idée initiale semblait plutôt être destinée aux agents qui exercent des fonctions d’encadrement ou « managériale ». L’avantage du GRAF sur l’emploi fonctionnel tient au fait que si l’agent n’occupe plus son emploi, il reste titulaire de son grade (et donc de son GRAF). Toutefois les propositions sont encore imprécises et les discussions dans la fonction publique sont au point mort, se heurtant à l’interdit qui pèse aujourd’hui sur toute nouvelle dépense publique. Ce sont là quelques pistes d’évolution statutaire qui ont pu être ou qui peuvent être envisagées. On voit que cette question n’est pas simple. Et les réponses ne sont pas non plus sans dangers. Pourtant, toutes ces réponses sont loin d’être suffisantes. Au-delà de la question du statut, ou plus précisément de la forme juridique que devrait prendre ce statut, un certain nombre de questions resteraient complètement ouvertes : Quelles missions incombent aux directeurs d’école ? Quelle est la portée de leurs responsabilités juridiques et administratives ? Comment éviter la multiplication des tâches administratives que beaucoup s’accordent à trouver intempestives ? La création d’un corps et d’un statut des personnels de direction pour le second degré n’a pas diminué la charge de travail des chefs d’établissement ni réduit le poids de leur responsabilité juridique ou administrative. Bien au contraire. Ce n’est pas le statut en lui-même qui règle toutes les questions auxquelles sont confrontés les directeurs/trices d’école. Le SNUipp n’a pas la prétention de pouvoir apporter une réponse définitive à toutes ces questions mais il ne tient pas non plus faire accroire que par un mot enchanteur on règle toutes les questions. Pour le SNUipp, la réflexion sur la direction et le fonctionnement de l’école doit se poursuivre avec la profession. La question du temps, la question de l’aide administrative à la direction d’école, la question des besoins de formation spécifiques, la question des moyens financiers qui sont aussi au cœur des préoccupations des collègues nécessitent de construire des réponses collectives, dans l’unité la plus large.

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