Le SNUipp-FSU 62 a participé au Groupe Départemental sur la Direction d’Ecole du 16 novembre 2021 en présence de l’IA, avec un seul point à l’ordre du jour : l’évaluation des écoles.
Evaluation des « établissements du 1er degré »
Une expérimentation de l’évaluation des écoles débute ce premier trimestre 2021-2022 dans toute la France. Cette expérimentation succède à celle conduite l’an passé dans le 2nd degré auprès d’un millier d’établissements. Au moins une école ou un groupement d’écoles sera concerné dans chaque département.
Expérimentation dans le Pas-de-Calais
Il s’agit d’une expérimentation nationale déclinée dans notre département. Des écoles du département (circonscriptions de Bruay-la-Buissière et St-Pol-sur-Ternoise) ont été sélectionnées par leur IEN pour une « auto-évaluation » du fonctionnement de leur école qui débutera à partir du 22 novembre.
Selon l’IA, les systèmes éducatifs qui fonctionnent le mieux à l’étranger seraient ceux qui ont un système d’auto-évaluation… Un point de vue que ne partage pas le SNUipp-FSU : les pays qui ont le système éducatif qui fonctionne le mieux sont ceux qui investissent le plus dans leur système éducatif. Selon l’OCDE, avec 6.860 euros dépensés par élève dans le primaire, la France est en retard sur la moyenne des 37 pays membres (7.643 euros). Toujours selon l’OCDE, le budget public total de l’éducation représente en moyenne 10,8% des dépenses publiques totales des pays de l’OCDE. En France, cette part n’est que de 8,4%. La France sous-investit son éducation.
Quel bilan de cette expérimentation ?
Un bilan de cette expérimentation sera ensuite fait par la DSDEN en décembre avant la mise en place d’une généralisation à partir de janvier 2022 (d’abord une école volontaire par circonscription, puis l’ensemble des écoles du département). L’objectif affiché par la DSDEN est la réécriture des projets d’école de toutes les écoles du département.
Selon l’IA, cette expérimentation prendrait une trentaine d’heures aux équipes des écoles. Mais sur quel temps ? Les 108 heures débordent déjà ! L’IA n’apporte aucune solution concrète…
Pourquoi évaluer les écoles ?
D’où ça vient ?
L’origine de cette expérimentation « d’auto-évaluation des écoles » provient de la Loi « pour l’école de la confiance » du 26 juillet 2019. Cette loi, qui crée le Conseil d’évaluation de l’Ecole, lui confie notamment la mission suivante : « Il définit le cadre méthodologique et les outils des auto-évaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l’Education nationale et analyse les résultats de ces évaluations ; pour ce faire, il s’appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu’il estime nécessaires. Il s’assure de la fréquence régulière de ces évaluations d’établissements et définit les modalités de leur publicité. »
Cette loi :
- supprime tout d’abord le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) jugé bien trop indépendant par JM Blanquer.
- crée le Conseil d’Évaluation de l’École (CEE) dont 9 des 14 membres ont été nommé-es par ... JM Blanquer ! Ce conseil est chargé d’évaluer l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire.
- prévoit la mise en œuvre d’évaluations conduites par le ministère portant sur les acquis des élèves, les dispositifs éducatifs et les établissements d’enseignement scolaire.
- prévoit aussi la réalisation d’auto évaluations et d’évaluations des établissements.
C’est dans le cadre de ce dernier alinéa que quelques collègues du département ont eu la mauvaise surprise d’avoir été sélectionné·es d’office.
Cadre de l’évaluation
Un document de cadrage et des annexes concernant le 2nd degré sont disponibles sur le site du CEE (Conseil évaluation de l’école qui a remplacé le CNESCO). Un document provisoire concernant le 1er degré a été transmis au SNUipp-FSU, il est quasiment un copié-collé de celui du 2nd degré. Il sert de cadre à la phase d’expérimentation.
Ce qu’il dit sur l’évaluation des écoles du premier degré :
- élaboration du cadre méthodologique et des outils d’évaluation des écoles du premier degré pour une première campagne d’évaluation à la rentrée 2021 ;
- accompagnement et aide à la formation des acteurs en académies ; mise à disposition de ressources
- suivi du déroulement des futures campagnes d’évaluation, récolte des bilans provenant des académies ; synthèse nationale annuelle et recommandations.
Le déroulement de l’évaluation
1) Une auto-évaluation :
Il s’agit « d’analyser l’école dans sa globalité », et plus précisément de « mesurer les acquisitions des élèves et leurs résultats et les relier aux pratiques professionnelles, aux organisations retenues et aux choix opérés par l’école » ; mais aussi de « proposer collectivement des axes de développement à mettre en œuvre pour une amélioration ou une consolidation de la réussite des élèves et de la qualité de vie à l’école ».
L’auto-évaluation couvre le temps scolaire mais peut aussi concerner l’organisation des services périscolaires « en accord avec la commune ou l’intercommunalité compétente ».
Dans un premier temps, un portrait de l’école est fourni par les services statistiques académiques, qui donne lieu à une analyse « du contexte externe et interne » de l’école.
Dans un deuxième temps, l’évaluation doit couvrir quatre grands domaines :
- Les apprentissages et les parcours/le suivi des élèves, l’enseignement ;
- Le bien-être des élèves et le climat scolaire ;
- Les acteurs, la stratégie et le fonctionnement de l’école ;
- L’école dans son environnement institutionnel et partenarial.
Un guide d’auto-évaluation propose un ensemble de questions évaluatives.
« L’organisation de l’auto-évaluation est conduite au niveau de chaque école par son directeur ». L’auto-évaluation est « totalement participative », elle mobilise l’ensemble des « acteurs : directrice-directeur, personnels de l’Etat et de la collectivité, élèves, parents, autorités de rattachement, partenaires. »
Un rapport d’auto-évaluation est présenté pour information au conseil d’école. Il est destiné aux évaluateurs externes, et sera communiqué aux autorités académiques et à la commune.
Le SNUipp-FSU a rappelé à l’IA le danger de demander aux parents de participer à l’évaluation des écoles. Ne risque-t-on pas de voir à terme le classement des meilleures écoles (corrélé pourquoi pas aux résultats des évaluations CP/CE1) comme on peut découvrir chaque année dans la presse le classement des meilleurs lycées ?
L’une des questions posées au SNUipp-FSU en mars 2021 par le CEE était de savoir quel était le « regroupement d’écoles » le plus pertinent pour une évaluation, compte tenu du fait qu’il y a un nombre trop important d’écoles au niveau national pour envisager un travail d’évaluation externe école par école… Dans le document non définitif, on lit « Le nombre d’écoles et leur diversité pourront conduire les autorités académiques à procéder à des regroupements, par exemple sur un mode vertical (selon une logique de flux d’élèves) ou sur un mode horizontal (écoles aux problématiques voisines au sein d’une aire géographique donnée, la commune par exemple) ». Mais la phase d’auto-évaluation doit être conduite dans chacune des écoles concernées.
2) Une évaluation externe
Elle s’appuie sur l’auto-évaluation. Elle se distingue « de l’audit, de l’inspection, du dialogue de gestion ou de pilotage, du contrôle qui constituent une vérification de conformité à un cahier des charges ». L’évaluation externe est « une aide apportée à chaque école, dans sa singularité », en identifiant notamment des leviers de progrès.
L’évaluation externe comporte trois étapes :
- La préparation de la mission ;
- La visite dans l’école ;
- La rédaction du rapport provisoire, l’échange à l’occasion de la restitution du rapport dans l’école (l’école dispose de 15 jours pour faire part de ses observations écrites), puis la rédaction du rapport définitif.
Une équipe d’évaluateurs externes est « composée de trois ou quatre évaluateurs et comporte au moins un inspecteur du 1er degré et un directeur d’école », qui signent tous une « charte de déontologie ». L’IA n’a pas souhaité nous communiquer cette charte de déontologie, qui pourrait encore être évolutive.
Le rapport final est « un outil d’aide pour l’école et la communauté éducative, mais aussi pour les autorités de rattachement ».
Cette dernière précision peut laisser perplexe. Elle résonne avec la principale mise en garde formulée auprès du CEE par la FSU, qui refuse « la perspective de contractualisation des moyens (en écho aux Contrats Locaux d’Accompagnement expérimentés dans le cadre de l’Education Prioritaire) ».
Les travaux menés ont vocation « à conduire à une actualisation ou à un renouvellement du projet d’école ».
Cette évaluation des établissements du 1er degré est envisagée tous les cinq ans, avec une évaluation de l’ordre de 20% des écoles chaque année. C’est « l’autorité académique [qui] établit annuellement la liste des écoles évaluées sur la base de critères explicités ». Mais l’IA explique n’avoir pas encore défini ces critères. L’Administration devrait tout de même en informer les écoles concernées quelques mois auparavant.
Par ailleurs, l’autre question posée au SNUipp-FSU par le CEE portait sur la constitution de l’équipe d’évaluateurs externes. On trouve dans le document provisoire : les évaluateurs externes « sont inspecteurs territoriaux (IEN 1er degré mais éventuellement IEN ET-GT, IEN-IO, IA-IPR), directeurs d’école, chefs d’établissements du 2nd degré, conseillers pédagogiques, enseignants, cadres académiques, universitaires ou autres personnes ayant une bonne connaissance du fonctionnement d’une école » (à titre d’exemple sont citées des personnes sollicitées « au sein d’exécutifs ou de services communaux »).
On retrouve cette forme d’évaluation externe dans le cadre des cités éducatives. Il est précisé que le choix des évaluateurs doit notamment reposer « sur l’absence de conflit d’intérêt. »
Au niveau national
Le SNUipp et la FSU avaient été reçus en audience le 5 mars par le CEE sur la question de l’évaluation des établissements et des écoles. Il s’agissait pour le CEE de prendre connaissance des « remontées de terrain » dont disposait la FSU pour l’expérimentation en cours dans le 2nd degré (1200 établissements concernés), et d’échanger avec le SNUipp-FSU sur l’expérimentation à venir dans le 1er degré.
Le SNUipp-FSU y a porté porté toutes ces réticences et interrogations :
- Risque d’un « pilotage externe » bureaucratique avec des indicateurs formels, éloigné de la réalité et des besoins des écoles, n’apportant pas d’aide réelle ;
- Le cadre est calqué sur l’expérimentation du 2nd degré, il n’a pas été conçu à partir de ce qui fait la spécificité des écoles (ainsi, il est nécessaire de ne pas déséquilibrer une relation de proximité bien réelle avec les parents, en leur faisant jouer un rôle qui n’est pas le leur) ;
- Idem avec les élèves : pratiquer la coopération dans l’école n’est pas la même chose que d’associer les élèves à une évaluation globale ;
- Le cadre proposé repose sur un brouillage des rôles et missions des professionnels : les CPC par exemple, qui souffrent déjà d’une perte de sens, ne gagneront pas à ce que s’opère une confusion entre formation et évaluation (ce qui aggraverait l’évolution de la fonction prévue par le GT « Esprit d’équipe » du Grenelle) ;
- Risque d’une logique de « reddition de comptes » dans laquelle les évaluations nationales standardisées, utilisées dans cette évaluation d’école, font passer à côté des be soins et difficultés réels des élèves (d’ores et déjà, elles réduisent les apprentissages et entament la liberté pédagogique des enseignantes).
Ce qu’en pense le SNUipp-FSU
L’objectif est de cacher la volonté de contrôle et d’uniformisation des pratiques en promouvant l’auto-évaluation et la co-évaluation.
Appelons un chat un chat. Il s’agit d’identifier les leviers qui serviront à « manager » les écoles dans le cadre de la « Loi de la confiance », mais aussi sans doute en lien avec le nouveau statut des écoles prévu par la loi Rilhac.
Si le ministère voulait réellement aider les équipes à s’auto-organiser, il répondrait favorablement aux demandes qui ont émané de la consultation qu’il avait lui-même organisée.
De notre point de vue, les collègues et les écoles n’ont rien à attendre de bon dans ce type de formation/formatage.
L’objectif est de mettre en application le « new management » qui prévoit que chacun-e intériorise et fasse sienne l’imposition des mesures qui découleront de sa propre « auto-évaluation ».
Même si l’évaluation des établissements est inscrite dans la loi depuis le 26 juillet 2019, le SNUipp-FSU continue d’intervenir à tous les niveaux pour exiger que cette expérimentation ne soit en aucun cas imposée aux écoles, qui ont bien d’autres priorités.