Le SNUipp-FSU et le SUI-FSU (syndicat des personnels d’inspection) ont été reçus le 11 janvier 2022 par la Présidente du Conseil d’Evaluation de l’École et les référents 1er degré travaillant sur cette question.
Ces évaluations ont été lancées dans le 2nd degré à la rentrée 2020, avant d’être généralisées cette année. Cet échange s’est tenu alors que l’expérimentation est lancée dans le 1er degré depuis la rentrée 2021 (en théorie sur la base d’une école volontaire par département) et que le CEE n’a pas encore publié les documents définitifs cadrant ce nouveau dispositif dans le primaire.
La FSU a dénoncé le caractère « tombé d’en haut » de ce dispositif, dont ni les personnels des écoles, ni les IEN n’étaient demandeur·ses. Ce vécu est amplifié dans la période de pandémie que nous subissons toutes et tous.
Le SNUipp-FSU a notamment pointé certaines dérives locales qui illustrent l’absence de cadrage national spécifique au 1er degré et le manque de rigueur des questionnaires adressés aux familles et aux élèves. Les questions de l’absence de temps dédié et des finalités de ce dispositif ont également été soulevées. Par ailleurs, ce dispositif amplifie la dépossession des équipes sur leur métier : pas de réel choix des indicateurs, flou entretenu entre évaluation de la structure et des agent·es, peu d’influence sur les marges de manœuvre dans l’écriture du projet d’école…
Ci-dessous, le compte-rendu plus détaillé des échanges.
Nous constatons qu’en l’état actuel, aucun moyen supplémentaire n’est prévu, ni en temps dédiés, ni en personnel. Le SNUipp-FSU dénonce l’aspect très chronophage de ce dispositif, notamment pour les directrices et directeurs.
Depuis le mois de janvier, les évaluations d’école continuent, le cadrage spécifique pour le 1er degré venant juste de paraître dont les extraits suivants attestent de l’esprit de cette démarche :
- sur la charge supplémentaire pour les directeurs.trices : "L’organisation de l’auto-évaluation est dans les mains de l’école. L’organisation de l’auto-évaluation est conduite au niveau de chaque école par son directeur pour ce qui relève du temps scolaire." (p. 9) + qui rédige le rapport d’autoévaluation ? (p. 10)
- si l’évaluation ne doit concerner que l’école et pas les personnels, des phrases du document cadre posent problème :
- "mesurer les acquisitions des élèves et leurs résultats et les relier aux pratiques professionnelles, aux organisations retenues et aux choix opérés par l’école" (p. 3)
- "Acquis des élèves (par cycle et niveau, niveau de maîtrise du socle, compétences sociales, parcours éducatifs et attestations en milieu scolaire)" (p. 20)
- "Choix pédagogiques en matière de pratiques évaluatives" (p. 21)
- "Aide aux élèves (aménagement des parcours, accompagnement des élèves, aide spécialisée, programmes personnalisés de réussite éducative, classes dédoublées, stages de réussite, vacances apprenantes)" (p. 21)
Dans ces conditions, et au regard du contexte sanitaire, le SNUipp-FSU incite les équipes à ne pas s’engager dans le dispositif d’évaluation d’école.
Compte-rendu audience avec le CEE – 11 janvier 2022
En introduction, la présidente du CEE a présenté les grands principes des évaluations d’écoles.
- Cette évaluation est prévue par la loi de 2019 dite « pour une école de la confiance ».
- Il s’agit d’un sujet à long terme, avec une expérimentation en cours, dans un tempo perturbé par la pandémie.
- Le principe est d’évaluer la structure dans sa globalité, pour le 1er degré d’y ajouter le périscolaire avec accord du maire. Regarder comment fonctionne globalement l’école, quelles décisions, quels effets pour quels besoins des élèves. Participation de tou·tes les acteurs·trices : état, collectivités territoriales, élèves, parents, partenaires.
- Cette évaluation doit déboucher sur des orientations qui seraient celles du projet d’école : réflexion ensemble sur bilan et avenir.
- Les deux temps sont rappelés (auto-évaluation, puis évaluation externe), avec la précision que les évaluateurs·trices externes peuvent être : des IEN (si possible extérieur·es au département), des enseignant·es, directeurs·trices ou formateurs.trices (ne connaissant pas l’école), des personnes compétentes extérieures à l’école évaluée… Les évaluateurs·trices s’engagent à respecter la charte de déontologie, pour » emmener l’école plus loin que l’autoévaluation ».
- Des regroupements peuvent intervenir (groupes scolaires, RPI, secteur de collèges…) et devront intervenir à terme :
- avec 30% d’écoles de 1 à 3 classes, le risque est d’évaluer le travail d’une personne
- la charge serait trop importante pour les équipes d’évaluateur·trices externes
- Concrètement, qui fait quoi ?
- L’IEN participe à la programmation des évaluations pour sa circonscription, participe au processus de formation des acteurs·trices, intervient ensuite afin d’accompagner l’école après l’évaluation pour élaborer la “feuille de route”. L’IEN a vocation à participer à une évaluation autre que sur sa circonscription.
- A la fin du processus, une restitution du rapport d’évaluation est effectuée en conseil d’école, présentée comme un dialogue, un temps d’échange entre école et évaluateurs·trices.
- Le·la Maire ne participe pas à l’auto-évaluation même s’il ou elle est destinataire du rapport d’évaluation (tout comme Recteur·trice, DASEN et IEN)
Les premiers retours reçus par le CEE
- Jusqu’à maintenant, seules des écoles volontaires sont engagées dans le dispositif :
- La participation de tou·tes s’est bien faite. Il est plus compliqué d’associer les élèves. Le CEE s’entoure de chercheur·euses pour concevoir des outils permettant de plus les associer.
- Le CEE relève des « pratiques innovantes » dans plusieurs écoles évaluées.
- Le CEE évoque le nécessaire changement de posture passer : de l’inspection (des personnels) à l’évaluation (de l’école). Pour cela la formation des équipes d’évaluateur·trices doit être une priorité.
Les perspectives du CEE
- En cas de sortie rapide de la situation épidémique : évaluation d’un regroupement par circonscription d’ici juin 2022.
- Au bout de 5 ans, la totalité des écoles sera évaluée. “Revenir tous les 5 ans avec un regard sur le fonctionnement d’une école n’est pas du luxe pour un service public”
Les interventions du SNUipp-FSU
Sur la forme :
- Ce n’est pas le moment alors que la crise sanitaire avale toutes les énergies.
- Les documents de cadrage pour 1er degré ne sont pas publiés et ceux relatifs 2nd degré ne peuvent être calqués sur le fonctionnement d’une école.
- Il n’y a que très rarement un temps banalisé, particulièrement pour les directeurs·trices qui sont déjà surchargé·es. Dans l’école, personne n’a de temps dédié, car la priorité est forcément la classe et le quotidien de l’école.
- Plus globalement, cela pose le problème de la charge de travail pour l’ensemble des personnes engagées dans ce dispositif, y compris pour les évaluateurs·trices. Sachant qu’à chaque fois c’est une tâche supplémentaire qui s’ajoute à celle des personnels engagé·es, renvoyant une forme de pression sur les évalué·es.
- Difficulté à obtenir le “portrait” de l’école de la part des services académiques.
- Organisation parfois hâtive (exp. mail le vendredi pour une visite le lundi)
- Le démarrage est très divers et peu en phase avec le discours national, avec entre 1 et près d’une centaine d’écoles selon les départements. Ce travail extrêmement impliquant est souvent présenté avec un caractère obligatoire.
- De nombreuses interrogations sur les liens entre le rapport d’évaluation et le futur projet d’école. Si nous dénonçons que déjà, actuellement, de nombreux projets d’écoles sont pré-écrits avec des lignes assez précises définies par des niveaux hiérarchiques supérieurs à l’école, le risque est qu’il faille reprendre les conclusions du rapport d’évaluations, dépossédant ainsi l’équipe de ses perspectives de projets et d’actions. Cette remise en cause des marges de liberté des enseignant·es est déjà un constat dans d’autres actions ministérielles depuis 2017, qui conduisent une perte de la synergie collective pourtant indispensable.
Sur le fond :
- Il s’agit d’un changement de paradigme : l’évaluation qui n’est plus faite par des professionnel·les de l’évaluation mais par une myriade d’évaluateurs·trices, alors que les enseignant·es n’ont de comptes à rendre qu’à leur IEN.
- Il y a un risque de modifier et remettre en cause la légitimité du lien entre IEN et enseignant·es.
- Aucune prise en compte de la dimension équipe, pourtant centrale dans le 1er degré. A notre connaissance, aucune rencontre entre les évaluateurs·trices et les équipes, mais uniquement des entretiens individuels
- Les questionnaires distribués aux parents et aux élèves posent problème à plusieurs égards :
- ils ne permettent bien souvent d’exprimer uniquement des ressentis, à l’instar d’un questionnaire de satisfaction dans le cadre d’une relation commerciale, et peuvent renvoyer aux parents et aux élèves qu’ils·elles évaluent l’attitude ou la pratique d’un·e enseignant·e à un instant T, indépendamment de l’évaluation professionnelle établie par l’IEN.
- Ils laissent une grande place à l’affect et au subjectif, lorsqu’ils sont remplis comme lorsqu’ils sont exploités
- La place donnée aux élu·es de la collectivité locale peut poser des problèmes.
- Lors de l’autoévaluation : beaucoup d’éléments sont fonction de la qualité de la relation entre l’école, voire le·la directeur·trice, et la mairie, voire le·la maire.
- Lors de l’évaluation externe : un·e élu·e voisin·e n’est jamais vierge d’informations sur l’école évaluée
- Plusieurs équipes d’écoles constatent que les évaluateurs·trices arrivent avec un prisme précis dans l’évaluation (par exemple l’implication dans le secteur de collège), et il est difficile pour les équipes d’en sortir. Le ressenti est que les conclusions chutent là où les évaluateurs·trices le souhaitaient, et pas là où le travail aurait pu conduire.